mardi 5 février 2019

« La Retirada de 1939 interroge le présent »

Ce mois de février 2019, les commémorations de l’exil des républicains espagnols, que nous appelons « Retirada », prennent place dans notre département. Argelès-sur-Mer en particulier, met en place un programme composé de moments solennels, d’expositions et de rassemblements.

Les images du drame humain de 1939 sont puissantes, saisissantes. Très longtemps, ces photographies montrant la misère, la maladie et un véritable parcage des individus, ont été pudiquement camouflées. Puis, lentement, les regards ont accepté de se tourner vers ces témoignages. La « résilience » a fait son oeuvre, face à l’enfer dans lequel ont basculé plusieurs centaines de milliers de personnes, en 1939. Argelès-sur-Mer participe au devoir de mémoire, pour empêcher l’oubli. Il est nécessaire que les générations en âge d’agir dans 20, 30, 50 et même 100 ans, disposent de l’entière conscience des faits.

Notre commune a été tragiquement située aux premières loges de l’Histoire du XXe siècle. Nous avons connu un camp d’internement de 100 000 migrants espagnols, ouvert  sur la partie Nord de notre plage le 3 février 1939. Loin des regards, lors d’un rude hiver rendant inhospitalier notre bord de mer. L’exil de Catalogne du Sud a précédé parfois mépris ou inquiétude en Catalogne du Nord. A Argelès-sur-Mer, de nombreux habitants ont été témoins de la tragédie du camp. Nombreux aussi, internés, puis libérés, ont fait souche dans notre village. Ils ont participé, à partir des années 1940, à la croissance et au progrès de notre grande collectivité humaine.

80 ans après, les commémorations sont indispensables. Elles le sont chaque année, avec un accent mis sur les chiffres ronds pour les 90 ans, les 100 ans et au-delà. Cependant, les images télévisées nous montrent bien d’autres « Retirades ». Les migrants d’aujourd’hui, sur des terres hostiles ou sur des flots mortifères, nous rappellent que l’Histoire suscite la répétition des épisodes, la permanence de la douleur. Argelès-sur-Mer, et plus généralement les Pyrénées-Orientales, ont vécu la plus grande catastrophe humanitaire du XXe siècle à l’échelle européenne.

Nous, Argelésiens, Argelésiennes, pouvons comprendre ce qui se trame ailleurs sur la planète, ce que vivent ces femmes, ces enfants, ces hommes jetés sur les chemins de l’exil. Ces humains sont contraints de battre en retraite face à un conflit armé ou une crise économique qui flagelle leur pays.  A l’échelle du monde, notre proximité avec les faits doit renforcer notre conscience universelle, en prenant pour appui ce qui a été vécu ici. Conscients du passé, nous avons le devoir de regarder ce présent qui nous ressemble et bâtir un avenir plus juste.